À Almaty, les cinémas de l’époque soviétique, pour ceux qui existent encore, sont des capsules temporelles, chargées d’histoire, d’art et de souvenirs collectifs. Parmi ces monuments, deux cinémas se distinguent : le cinéma Arman, un symbole culturel depuis les années 60, et le cinéma Tselinny, aujourd’hui en pleine transformation pour devenir un centre d’art contemporain. Leur histoire, riche et intrigante, illustre la fusion entre patrimoine local et modernité.

Le cinéma Arman : une légende vivante

Inauguré en 1968, le cinéma Arman est un joyau de l’architecture soviétique moderne. Situé en plein cœur d’Almaty, il a été conçu pour répondre aux besoins culturels croissants de la ville et pour offrir aux habitants un accès aux grands films soviétiques et internationaux.

Avec une capacité de plusieurs centaines de places, Arman n’était pas qu’un simple cinéma : il était un point de rassemblement pour la communauté. Le bâtiment, dans son style brutaliste, incarne les idéaux de simplicité et de fonctionnalité caractéristiques de l’époque.

Les façades latérales du cinéma sont ornées de bas-reliefs sculpturaux réalisés par l'artiste V. I. Konstantinov, représentant des figures emblématiques de la culture kazakhe, telles qu'Amangeldy, la Mère Patrie, des soldats, un groupe de cosmonautes et une femme récoltant les moissons.

Un bas-relief retrouvé après des décennies d’oubli

À l’intérieur du cinéma, une œuvre majeure attendait les spectateurs : un bas-relief monumental réalisé en 1968 par Viktor Konstantinov, un artiste soviétique renommé. Ce chef-d’œuvre, réalisé à l’occasion de l’ouverture du cinéma, représentait une scène abstraite mêlant des éléments de la culture kazakhe et des motifs symboliques, incarnant à la fois l’esprit soviétique et l’identité locale.

Cependant, au fil des décennies, lors de rénovations dans les années 90 et 2000, le bas-relief fut recouvert et oublié. Ce n’est qu’en 2017, grâce aux recherches minutieuses du directeur du cinéma, Erlan Aukenov, que l’œuvre a été redécouverte. Aukenov a été intrigué par une ancienne vidéo promotionnelle datant de l’inauguration du cinéma, qui montrait clairement le bas-relief dans le hall principal. Il a décidé de mener des fouilles à l’intérieur du bâtiment, et après des travaux minutieux, l’œuvre a été mise au jour, intacte.

Aujourd’hui, le bas-relief de Viktor Konstantinov est exposé dans le hall du cinéma, accessible au public. Cette redécouverte est devenue un symbole de la préservation culturelle à Almaty, rappelant que l’art et l’histoire, même cachés, peuvent toujours être retrouvés.

Le cinéma Tselinny : la renaissance

Construit en 1964, le cinéma Tselinny est l’un des plus anciens et prestigieux de la ville. Son nom, qui signifie "vierge", fait référence à la campagne de mise en valeur des terres vierges, un projet majeur de l’ère soviétique.

Le bâtiment, impressionnant par ses proportions et sa capacité, était un lieu incontournable pour les amateurs de cinéma à Almaty. Mais ce qui le rendait véritablement unique, c’était sa fresque en sgraffito, une œuvre magistrale réalisée par Evgeny Sidorkine. Cette fresque ornait les murs intérieurs du bâtiment, illustrant des scènes inspirées des légendes kazakhes, avec des motifs complexes et une maîtrise technique remarquable.

La redécouverte de la fresque en sgraffito

Après la fermeture du cinéma en 2014, la fresque fut considérée comme perdue, recouverte par des couches de plâtre et de peinture lors de rénovations. Ce n’est qu’en 2018, lors des travaux pour transformer le bâtiment en un centre d’art contemporain, que la fresque a été redécouverte. Cette technique de sgraffito, rare et sophistiquée, consiste à gratter plusieurs couches de plâtre coloré pour créer des motifs en relief. La fresque de Sidorkine, avec ses lignes dynamiques et son esthétisme intemporel, est désormais l’un des éléments centraux de la renaissance du Tselinny.

Le Tselinny Center, dont l'aménagement est presque terminé, devrait ouvrir ses portes très prochainement.